Huis-clos: La souffrance de l’autre

By D. R. Gayton

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La pièce de Jean Paul Sartre Huis-clos est pour la plupart connue pour avoir proclamé que « l’enfer, c’est les autres ». Cette ligne qui se trouve proche à la fin de la pièce décrit la réaction de Garcin à remarquer que tout a été « prévu », que tout a été pré-arrangé dans la salle où lui, Ines et Estelle (les deux autres personnages principaux de la pièce) doivent habiter afin qu’il puisse, en se disputant avec les deux femmes, arriver à cette conclusion. Cependant, cette idée que « l’enfer, c’est les autres » fonctionne de plusieurs manières dans la pièce. L’une des façons les plus évidentes dans lesquelles cette idée se déroule tout au long de Huis-clos est à travers l’utilisation verbale des miroirs et le manque de surfaces réfléchissantes dans la pièce pour indiquer que chaque personnage fonctionne en fait comme un reflet de l’autre. Cette utilisation des corps en tant que surfaces réfléchissantes, tout en indiquant les difficultés de vivre les uns avec les autres, est plus important en étant symptomatique de la difficulté de vivre avec soi-même. Car en agissant comme des miroirs les uns des autres, ce que chaque personnage de la pièce aide à révéler à propos d’autrui, c’est la peur, la culpabilité, la jalousie, l’égoïsme et la haine que chacun d’entre eux contenait tout au long de sa vie. D’autre part, cette peur, cette culpabilité, cette jalousie, cet égoïsme et cette haine que chaque personnage semble contenir sont toutes des émotions qui ne peuvent être ressenties que par l’expérience de vivre avec les autres.

En tant qu’animaux sociaux qui doivent vivre dans des unités sociales comme la famille, le clan, la communauté et même la nation, l’expérience de vivre avec les autres est une composante fondamentale de nos vies. La tension ontologique sous-jacente dans Huis-clos est alors cette relation entre soi et les autres. C’est-à-dire, on doit demander, quelle est la relation entre soi-même et l’autre? Quels sont les termes par lesquels le soi doit vivre, cohabiter le même espace avec l’autre? En d’autres termes, quelle est la responsabilité de soi envers l’autre?

Dans un passage très important, Ines, qui joue le rôle du regard implacable de l’autre pendant toute la pièce, s’exclame: « il y a des gens qui ont souffert pour nous jusqu’à la mort et cela nous amusait beaucoup. A present, il faut payer » (41). Cette idée d’avoir fait souffrir les autres est cruciale pour la compréhension de la pièce, car c’est par la souffrance de l’autre que la souffrance de soi est exprimée. Dans ce cas, Huis-clos semble répondre au moins en partie à ma dernière question. En jouant avec l’idée qu’en permettant aux autres de souffrir, la souffrance de soi est exprimée par ce qu’Ines appelle « la peur, la haine et toutes les saletés qu’on cache », la pièce semble suggérer que la responsabilité de soi à l’autre repose précisément dans ce dynamisme binaire.

Alors que les personnages cherchent à découvrir, à travers leur dialogue, les raisons pour lesquelles ils sont en l’enfer, le trait qui les relie à tous est que de leur propre manière ils ont fait souffrir des autres ou ils ont permis la souffrance des autres.1024px-A_long_shot_of_the_lamp_inside_the_cubby_hole_in_the_bunker_(24772346481) Dans le cas de Garcin, cela peut être observé non seulement par la souffrance qu’il a infligée à sa femme (en la négligeant et en gardant une maîtresse), mais surtout par son incapacité à agir, lorsque l’action lui était requise. Bien qu’il dise, « la guerre éclate. Que faire? Ils ont tous les yeux fixés sur moi … Je me suis croisé les bras et ils m’ont fusillé. Où est la faute? » (40) la crainte constante d’être connu comme un lâche pour avoir essayé d’échapper à la guerre sous le manteau du pacifisme est le point du récit qui permet au lecteur et au spectateur de comprendre que derrière son inaction il y avait une faute. C’est-à-dire, en n’agissant pas et en prenant un rôle pacifiste, il devient aussi coupable que ceux qu’il aurait dû combattre. Le rationnel ici, c’est que ceux qui ne parviennent pas à agir lorsqu’une injustice est commise sont tout aussi coupables que ceux qui le commettent.

Dans le cas d’Ines et d’Estelle, leur culpabilité, même si complexe dans ses implications ontologiques, est beaucoup plus facile à identifier. Pour Estelle, elle est coupable d’avoir tué son enfant (61). Pour Inés, d’autre part, elle est coupable d’avoir fait Florence, la femme de son cousin, se retourner contre lui, et à travers une série d’actions, devient responsables de tous leurs décès (57). Impénitente et bien consciente de sa culpabilité, lorsque Garcin a essayé de lui prouver qu’il n’était pas un lâche en essayant de s’enfuir, Ines dit, « Seuls les actes décident de ce qu’on a voulu » (90). Cette dernière ligne semble être au cœur de la pièce, car elle exprime l’idée que, au-dessus de nos intentions, nos défauts ou nos désirs, nous sommes responsables surtout de nos actions. Après tout, c’est grâce à nos actions que l’expérience de se vivre l’une l’autre est tenue. Par conséquent, si la pièce demande quelle est notre responsabilité à soi-même et l’autre, il faut dire que, quelle que soit cette responsabilité, cela repose complètement dans la conscience de toutes nos actions.

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